David Richard, auteur et réalisateur des entretiens filmés des personnalités entourant la Grande Histoire de la Parfumerie, nous raconte Héritage(s).
« C’est merveilleux de faire parler et d’écouter ceux que l’on n’avait jamais entendu. »
Voilà comment David Richard, qui a passé des heures à écouter et à enregistrer les voix souvent méconnues des créateurs illustres et anonymes des parfums parmi les plus connus dans le monde, s’exprime quand on l’interroge sur ses motivations.
David Richard : « Quand on s’intéresse à cette histoire du Parfum très intéressante et finalement méconnue, on pénètre dans un monde qu’on n’imaginait probablement pas. C’est merveilleux de faire parler ceux que l’on n’avait jamais entendu, comme les évaluateurs qui sont une profession très importante dans la Parfumerie. D’ailleurs, je vous invite à découvrir le témoignage d’Elisabeth Mathieu-Madeleine. C’est une chance qu’une des premières évaluatrices nous raconte comment les choses se sont passées. Et l’entendre parler des parfumeurs parce qu’elle les a fréquentés, c’est encore mieux ! »
Qu’est-ce qui vous intéresse dans la démarche de laisser des traces dans l’histoire de la Parfumerie, matière qui semble pourtant, si évanescente voire éphémère ?
David Richard : Ce qui m’intéresse c’est justement que grâce à ces entretiens certaines personnalités interviewées, méconnues et pourtant importantes, laissent bien plus que des traces dans cette histoire de la parfumerie. Le sentiment que notre travail est et demeurera utile me stimule énormément. C’est un privilège de recueillir ces témoignages.
Je suis conscient de l’originalité du projet que je trouve évidemment passionnant. Le faire avec et grâce à Francis, c’est fantastique.
Ce qui est intéressant au-delà du témoignage, et les parfumeurs en sont souvent heureux, c’est aussi de réussir à rétablir des vérités, corriger des erreurs, “démythifier” au bon sens du terme cet univers de la parfumerie. Souvent la réalité d’ailleurs est bien meilleure que la fiction ! On essaie de faire dire les choses telles qu’elles étaient et telles qu’elles sont.
Dans votre carrière, qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au Parfum ?
David Richard : Rien d’original, je suis comme beaucoup de monde. J’ai toujours été très sensible aux odeurs et aux parfums, j’ai des souvenirs olfactifs très précis et très lointains. Par exemple, je suis toujours bouleversé par l’odeur d’une haie de troènes en fleurs, souvenir du jardin de mes parents ou par l’odeur du sapin de Noël… pour ne donner que deux exemples. Et de nombreux parfums ont marqué ma mémoire olfactive : ceux de ma grand-mère, de mes parents , ils occupent quasi constamment mon esprit.
En 2012, il monte l'événement majeur "Le Ministère est au Parfum".
Après le ministère, avec Frédéric Mitterrand, il réalise le film "Christian Dior, la France" puis écrit et réalise "La fabuleuse histoire de l'Eau de Cologne" où il rencontre Francis Kurkdjian. Ensemble, ils façonnent, en 2016, le projet "Heritage(s)" qui aujourd'hui a rejoint le fonds de dotation "Per Fumum".
David RICHARD
Ma mémoire olfactive, c’est sûrement celle qui fonctionne le mieux, je relie pratiquement tous les événements de vie à une odeur ou un parfum. J’ai même une obsession, un problème que je ne résoudrais jamais : dans ma tête j’ai une odeur, c’est assez confus, chez ma grand-mère. Je sais que si je la ressens demain, je la reconnaitrais, mais je suis incapable de l’identifier.
Quels sont vos incontournables quand on parle de Parfum (livres, films, documentaires, etc…) ?
David Richard : Je crois que si j’ai fait un documentaire sur le parfum, c’est parce que ceux que j’avais vu sur le sujet ne me plaisaient pas.
En revanche beaucoup de livres m’ont donné envie d’en savoir plus… un livre que j’adore vraiment est Le Sillage des Élégantes de Marylène Delbourg-Delphis, qui se concentre vraiment sur la naissance de la Parfumerie contemporaine. Et pour en citer un dernier : Le propre et le sale de Georges Vigarello. Ce n’est pas à proprement parler sur la parfumerie mais ça nous fait comprendre beaucoup de choses sur l’hygiène et donc on arrive vite au Parfum.
Si mes références parfumées sont majoritairement françaises, il y a quand même l’Italie… L’Italie est pour beaucoup dans mon goût pour les parfums et la découverte de leurs histoires. Il y a eu deux expositions qui ont été très stimulantes pour moi. La première au Palais de la Découverte il y a une vingtaine d’années, et la seconde au Parc de Saint-Cloud où avec la Maison Guerlain un jardin éphémère parfumé avait été créé.
Vous avez déjà filmé une trentaine d’entretiens, mais pour que le projet puisse avoir une base solide de personnes représentatives, combien vous en manque-t-il selon vous ?
David Richard : Beaucoup ! mais honnêtement, je ne sais pas combien. Francis et moi mettons souvent à jour une liste. Avec le temps qui passe, de nouveaux noms nous viennent à l’esprit, la liste ne cesse de s’accroître. Si nous nous sommes naturellement concentrés sur les parfumeurs “vedettes” au début, il nous est vite apparu important d’avoir des personnalités moins connues mais tout aussi marquantes et évidentes et dont le rôle fût prépondérant dans l’essor et le développement de la parfumerie.