Les 14 et 15 octobre 2021, l’auditorium du Château de Versailles a accueilli un Colloque sur la Place du Parfumeur et son évolution depuis la Renaissance
Durant deux journées entières, historiens, historiens de l’art, littéraires, philosophes, parfumeurs et acteurs du monde contemporain de la parfumerie sont intervenus pour aborder l’histoire de la figure du parfumeur, en analysant comment elle est apparue dès la Renaissance en Italie et s’est construite à partir du XVIIe siècle en France et en Angleterre.
Aujourd’hui, Alice Camus et Erika Wicky, les deux organisatrices de ce premier Colloque international, répondent aux questions du Fonds de Dotation Per Fumum, qui a soutenu le projet depuis ses débuts.
- Selon vous, que devrait-on retenir du Colloque ?
Ce colloque a tout d’abord mis en évidence la pertinence de mener des investigations dans ce champ de recherche encore inexploré. Il a notamment permis de poser des jalons importants dans l’histoire de la figure du parfumeur, de découvrir des figures singulières de parfumeurs, de mettre en lumière la pluralité des pratiques et des représentations qui lui ont été associées. Les témoignages de parfumeurs actuels ont aussi apporté un regard nouveau sur l’histoire de la création de parfum. Il nous a aussi permis de soulever des questions à partir desquelles nous allons pouvoir poursuivre nos travaux, comme celle des parfumeurs amateurs, du style des parfumeurs, du rôle des matières premières dans la création ou encore de la place des femmes dans l’histoire de la parfumerie.
Il a par ailleurs permis de mettre en lumière la lente et progressive émergence de la figure du parfumeur. Apparue à la Renaissance, cette figure se consolide sous l’Ancien Régime, pour s’épanouir et évoluer considérablement dans les siècles suivants. Aujourd’hui, la figure du parfumeur est clairement identifiée dans l’imaginaire des contemporains. Cela est le résultat de plusieurs siècles d’évolution.
- Est-ce qu’un événement comme celui-ci vous semblait important à tenir en France ?
Une autre chose qu’il faut retenir de ce Colloque, c’est qu’il y avait, dès la Renaissance, des parfumeurs dans toute l’Europe qui utilisaient des matières premières venant du monde entier. En outre, les chercheur·se·s invité·e·s venaient de plusieurs pays différents. L’histoire de la figure du parfumeur est internationale. Cependant, l’importance de la tradition française de la parfumerie à l’heure actuelle justifie pleinement que ce Colloque ait été organisé à Versailles. Il a clairement montré que c’est en France que cette figure est apparue avec autant d’indépendance et de force, sous l’Ancien Régime. À la même époque, en Europe, les parfumeurs sont restés associés à d’autres artisanats ou ont subi certaines influences qui ne leur ont pas permis de s’épanouir autant qu’en France. C’est depuis cette époque que les parfumeurs français ont aussi constitué leur prééminence sur le marché international.
Cela justifiait pleinement la tenue d’un tel événement en France. De plus, la ville de Versailles, qui fut la résidence de la cour de France pendant ce siècle au cours duquel la parfumerie française s’est construite, a joué un rôle prépondérant en fournissant la clientèle principale de ces artisans.
- Pourquoi avoir choisi des historiens pour intervenir sur un tel sujet ? Pourquoi ce choix d’intervenants, qui laisse moins de place aux parfumeurs ?
Tout d’abord parce que nous sommes historiennes et que nous savons qu’on ne comprend vraiment les choses qu’en les envisageant dans leur profondeur historique. Les évolutions multiples de la figure du parfumeur mettent bien en perspective la façon dont on envisage aujourd’hui cette profession. C’est pourquoi nous avons privilégié l’approche historique tout en maintenant l’interdisciplinarité au cœur des échanges : il a ainsi été question d’histoire des sciences, de l’art, de littérature, etc. Nous avons tenu à faire intervenir des chercheurs de diverses disciplines et pas seulement des historiens.
Pour comprendre la figure du parfumeur de la Renaissance à nos jours, faire intervenir des chercheur·se·s ou des parfumeurs sont deux démarches différentes et complémentaires. Cependant, les uns et les autres ne s’exprimant généralement pas dans les mêmes réseaux, il nous a semblé indispensable de les réunir pour leur permettre de dialoguer dans le cadre d’un événement scientifique. Loin de prendre la place des parfumeurs actuels, les historien·ne·s qui ont présenté leurs recherches sur les parfumeurs d’autrefois ont valorisé la tradition à laquelle ils appartiennent et ouvert un dialogue à travers l’histoire.
C’était d’ailleurs novateur de proposer ce dialogue entre chercheurs et parfumeurs dans le cadre d’un colloque scientifique.
- Quelle serait la suite à donner à un tel Colloque selon vous ? Que va t-il rester de ce qu’il s’est dit ?
Comme la plupart des colloques, Le parfumeur : Évolution d’une figure depuis la Renaissance donnera lieu à un ouvrage collectif auquel nous travaillons déjà. Il regroupera les communications des intervenant·e·s qui auront été enrichies grâce aux échanges auxquels a donné lieu le Colloque. Cet ouvrage pourra alors nourrir des recherches sur l’histoire des parfumeurs et de la parfumerie, de l’olfaction, des plantes à parfums, du commerce global ou encore des corporations, mais il pourra aussi satisfaire la curiosité de toute personne s’intéressant aux parfumeurs. Enfin, il permettra à ces derniers de situer leur pratique dans une histoire vieille de plusieurs siècles.
Ce Colloque, centré non sur le parfum, mais sur les parfumeurs, est un premier jalon dans le vaste chantier d’analyse et de réflexion qui peut être mené sur ce sujet. Construire la réflexion autour des individus, bien davantage que des produits, était aussi novateur. À partir de ce premier Colloque, d’autres pistes de recherche peuvent et doivent s’ouvrir sur ce sujet encore trop peu exploré.
L’Osmothèque, qui est aussi intervenue lors de ce Colloque, nous fait rapidement part de ses avancées sur la modernisation de sa base de données.
Depuis le 1er novembre, l’Osmothèque est dotée d’un nouvel outil de gestion de sa base de données de parfums. Un nouveau logiciel dédié à la gestion de collections permettant aux équipes de gérer avec plus de facilité et de sécurité l’ensemble des parfums et matières premières, ainsi qu’un certain nombre d’éléments (objets, documents, médias…) rassemblés dans les collections du conservatoire depuis sa création il y a 30 ans.
Dans un premier temps réservé à un usage interne, le nouvel outil donnera à terme la possibilité à la base de données de l’Osmothèque de s’ouvrir à la fois au grand public mais aussi aux autres bases de données afin d’échanger de manière automatique des informations. Cette possibilité de « moissonnage » permettra ainsi au Conservatoire de développer ses interactions avec les autres bases de données, de dialoguer avec les chercheurs et de se positionner encore d’avantage comme une autorité scientifique reconnue dans le monde du parfum.
Cette nouvelle base de données ouvre ainsi la voie à une gestion plus sure et pérenne de la collection actuelle de parfums, et à son enrichissement à d’autres segments.
À terme, voici quelques-unes des fonctionnalités qui seront mises en place : la gestion des acquisitions, l’enrichissement documentaire, la localisation, la restauration et la conservation préventive, mais aussi des constats d’états, des prêts et emprunts, du travail collaboratif ou encore du multilinguisme, etc…
Si vous souhaitez soutenir les projets du Fonds de Dotation Per Fumum, n’hésitez à nous adresser un don déductible des impôts. Plus d’informations sur https://www.fondsperfumum.org/faire-un-don/